Pourquoi je vais arrêter d’acheter de la viscose (et récidive de Muscade).

Il n’aura pas fallu longtemps pour que je récidive. Et franchement, ça se comprend. La version « menthe à l’eau », avait chez moi retourné tout les codes de la mode (comme si j’étais une modeuse… trop drôle 🙂 ) et rappelé le déni de mes origines eighties. La jupe culotte est de retour et en fait c’est une super bonne nouvelle.

Mon excitation était telle que je me suis relancée illico-presto dans une autre réalisation de cette Muscade. Pour ce faire j’ai acheté sur le marché local un mètre de viscose à 6 euro du mètre, il n’a pas fallu me le demander trois fois. Je n’ai pas vraiment failli à mes règles de (non) achat tissu, puisque c’était pour un projet super important, imminent, là tout de suite, et tout et tout.

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Bref j’ai recousu Muscade.

J’ai amidonné ma viscose pour une réalisation plus facile. J’ai utilisé exactement la même recette et la même procédure que pour ce pantalon, mais le résultat a été un peu moins convaincant. Le tissu n’était certes plus aussi vivant, mais pas complètement knock-out non plus. Comme l’assemblage est assez simple et pas tellement technique, c’est quand même passé tout seul.

Bien sûr, dans l’urgence j’ai mis le coté gauche à droite ou inversement. Ou alors c’est sur « menthe à l’eau » que je me suis mangée… Aucune importance. J’ai aussi mis les plis plat dans l’autre sens, mais avec le tombé de la viscose, pas de problème, elle me pardonne tout.

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Avec les ombres, ça fait un rendu assez particulier de dos…

Les tissus des deux Muscades étant fondamentalement différents en termes de tombé et de structure, le rendu final du vêtement est aussi très différent, je trouve. L’effet jupe est plus prononcé, cette version a un petit effet dansant des plus agréables.

Niveau modifs, rien à signaler mis à part mon mismatch de maternelle entre ma gauche et ma droite. J’ai repris la formule des deux boutons en bois déjà appliquée sur « menthe à l’eau » (j’aime bien). J’ai dû ajouter un petit crochet pour éviter que le pan interne ne glisse sous la ceinture. Christelle préconise l’utilisation d’une agrafe spéciale pantalon, mais je n’ai pas ça sous la main. Mon petit bidouillage fait tout à fait le boulot, pourquoi chercher plus dès lors.

Enfin j’ai thermocollé la ceinture sur les deux épaisseurs pour avoir un peu de maintien. J’ai utilisé du thermocollant tissé pour garder un mouvement semblable au tissu et éviter l’effet carton.

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Je ne m’en sort pas trop trop mal pour les raccords verticaux….. notamment au niveau de la ceinture! YESSSSS

Je l’adore. Elle va avec tout. Le tombé, le motif, le confort de cette viscose, tout me va….

Vraiment???

Viscose qui es tu?

Mais aujourd’hui je voulais vous parler de la viscose, de son origine, de sa fabrication et de son impact environnemental. C’est un tissu qui est super agréable à porter, mais au prix d’un impact sur l’environnement plutôt significatif.

La viscose fait son apparition dans les années 1980. Le procédé de production est considéré comme l’un des plus polluants, bien qu’il n’utilise que des fibres naturelles : incroyable.

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En voiture Marcelle!!

La viscose est une fibre chimique. Cela signifie que la fibre finale est faite à base d’une fibre naturelle qui n’est pas exploitable telle quelle en filature. La fibre est traitée chimiquement pour obtenir les propriétés voulues ! On part de la cellulose qui se trouve dans les végétaux (par exemple : le soya, la canne à sucre, le pin, le bambou, l’eucalyptus, le hêtre, ou des fibres de coton ou de lin qui sont trop courtes pour le tissage standard). Ces fibres subissent une série de transformations chimiques pour devenir un liquide, visqueux appelé collodion. L’hydroxyde de Sodium est alors utilisé afin de faire gonfler la cellulose et d’écarter les fibres indésirables. Le restant est ensuite pressé, déchiqueté et dépolymérisé grâce à un catalyseur, puis rendu soluble à l’eau grâce à une réaction avec du disulfure de carbone. A ce stade, une série d’additifs peuvent être ajoutés comme les colorants, les agents matifiants, etc. en fonction du rendu souhaité du produit fini. Là on a toujours de la soupe.

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On le sens bien la le joli tombé des cette douce (et traitre) viscose

La soupe va ensuite passer dans une sorte de pomme d’arrosoir pour extruder les fibres. À la sortie des trous de 0.05 à 0.1mm de diamètre de l’extrudeur (la pomme d’arrosoir), le « jet » de liquide va se polymériser avec l’acide sulfurique présent dans le bain de l’extrudeuse. Le jet va donc se solidifier en filament de longueur indéfinie : la fibre. La fibre polymérisée est enfin nettoyée, désulfurisée, conditionnée, séchée, voire texturée… On peut lui donner une frisure pour la rendre plus couvrante ou plus élastique. Enfin elle est coupée à la longueur désirée pour le processus de tissage. Ouf, c’est fini.

Ce processus long et complexe consomme énormément de produits chimiques, d’eau et d’énergie (la fibre doit être chauffée pendant un certain temps etc.) ; le disulfure de carbone utilisé pour rendre la fibre soluble est hautement toxique, inflammable et polluant.

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Le tissu des poches à l’envers, c’est cadeau. Merci à l’optimisation de tissu!!

Communication et prise de consience

La viscose garde sa place sur le marché puisqu’elle allie les qualités des fibres naturelles, le confort notamment, aux qualités des fibres artificielles, comme la possibilité de post-traitement pour atteindre le tombé et l’aspect final souhaité. Maintenant quand une amie très engagée écolo me dit « c’est de la viscose, c’est naturel, je prends » ça me fait mal aux oreilles tellement c’est loin de la vérité.

Les industriels font tout pour nous faire croire que la viscose est le meilleur des deux mondes (naturel et artificiel) mais le résultat est dramatique en termes de pollution chimique et de consommation d’eau et ça on évite bien de nous le dire.

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Alors quoi, je dois m’en passer de cette jolie Muscade et de toutes les autres pièces en viscose ? Je ne suis pas certaine d’être prête à une intransigeance pareille ; mais se renseigner, faire attention et chercher des alternatives sont les points clés pour une sélection de tissus plus écologiquement durables.

D’ailleurs, il existe d’autres fibres elles aussi issues du même procédé « viscose » tel le Tencel (Botanic Fiber !) et le Lyocell qui utilisent d’autres solvants que le disulfure de sodium. Pour les passionné(e)s, allez faire un tour sur ce site pour des considerations purement techniques. Mais en définitive le vrai problème rencontré lors de l’achat du tissu c’est que le vendeur n’en sait fichtrement rien du comment c’est fabriqué et que l’étiquetage, au mieux, annonce le prix….

Est-ce trop demander d’avoir la provenance, la composition et le processus utilisé pour la production ? Je rêve, mais peut-être, un jour…

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Oui oui, Muscade est un short pas une jupe, on a compris!!!

Pour être très honnête avec vous, j’ai trouvé passionnante la recherche faite sur le sujet. Maintenant je vais faire attention aux tissus que j’achète, mais je vais aussi porter avec plaisir ma Muscade qui est là (et l’autre aussi) et profiter des vêtements et des coupons de viscose qui font déjà partie de mon stock (Il n’y a pas pire que le gaspillage).

Dur dur de dire au-revoir à la viscose, une matière tellement belle et douce, avec un tombé très… flatteur.

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Le tombé et la douceur de la viscose.

Le petit chemisier Liberty est un patron maison!


27 thoughts on “Pourquoi je vais arrêter d’acheter de la viscose (et récidive de Muscade).

  1. Ton exposé sur la viscose et ta réflexion qui en découle m’ont passionnée ! Je vais aller jeter un oeil au lien que tu as mis pour continuer ma réflexion 😉
    Peut-être as-tu déjà lu la série d’articles d’Amandine Cha sur les tissus, elle y fait une analyse très pertinente sur leur impact environnemental.
    Suite à ses articles et a une réflexion plus globale sur la consommation et son impact sur l’environnement, je suis de plus en plus exigeante sur les tissus que j’utilise. Je me renseigne sur leur provenance, leur mode de production, la matière utilisée pour les tisser… Tout en écoulant mon stock de tissus pour éviter le gaspillage et en achetant uniquement ce dont j’ai besoin.

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    1. J’avais effectivement pris connaissance des articles d’Amandine à l’époque. Je n’y ai plus pensé en écrivant cet article. Eviter le gaspillage, c’est bien un des pilier fondamentaux dans une démarche respectueuse de l’environnement. Contente de voir que la communauté couture est sensible à cette nécessité.

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  2. Merci pour tes explications. Je ne connaissais pas le processus de fabrication de la viscose. En effet, en te lisant, rien de très naturel là dedans… Cela mérite réflexion… A part ça, ta Muscade est très réussie.

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    1. Merci pour ton commentaire. Se renseigner est la clé. Mais malheureusement, dans l’industrie du tissu (et en général aussi) il n’y a pas beaucoup de place pour le respect de l’environnement.

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  3. Quelle belle jupe-culotte. /* Ouh le mot “Jupe-culotte” me donne des frissons … Bienvenue dans mon enfer personnel ! */
    & sinon, j’ai longtemps hésité avant d’acheter de la viscose, pas parce que c’est dur à coudre mais parce que ce n’était pas un tissu “naturel”. Pas synthétique, ok mais quand même.
    J’en porte depuis peu et je dois reconnaître que c’est très agréable.
    Mais j’essaie de continuer à privélégier des tissus en coton (ou chanvre ou lin ou bambou ou …) même si je ne suis pas sûre que celà soit meilleur pour la planête ! /* Avec un champs de blé à la place du coton, on pourrait nourrir plus de gens. Qui vivraient à poil. & on gagnerait de l’eau aussi … */
    Je suis aussi consciente de l’aspect pécunier du truc. Tlm ne peut pas s’offrir des tissu bio /* d’ailleurs, il y a une étude interessante à faire sur les labels bio car ils ne le sont pas tous de la même façon ! */.
    Bref, je crois qu’il faut garder les yeux ouverts mais que la prise de conscience ne se fera pas en 1 jour. /* Oui, mais demain ? */
    En tout cas, merci d’en parler, merci de contribuer à notre enrichissement autant que le plan visuel /* rhaaaa les photos ! */ que sur le plan intellectuel !

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    1. Merci CYqlaf. La qualité et l’impact environmental des tissus font partie d’une large réflexion qui doit encore beaucoup évoluer. Je suis d’accord avec toi les tissu BIO ne sont pas abordable pour tout le monde, mais le premier pas, c’est de s’informer et de rester critique par rapport à ce que propose “le marché”.

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  4. Et oui : “naturel”, n’exclu pas “chimique” J’allais également parler des “trouvailles d’Amandine”…C’est vrai que l’aspect financier compte…à tout les niveaux…je tente, maintenant que je me débrouille mieux en couture d’acheter “moins, mais mieux”… mais ce n’est pas toujours facile….

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    1. Merci pour ton commentaire Sophie. C’est vrai que ça n’est pas toujours simple, surtout à cause du manque d’information en général. C’est une démarche qui prend du temps pour amorcer un changement pour soi d’abord, mais aussi pour la planète.

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  5. Très chouette ta muscade !
    Pour les tissus… je suis toujours frustrée de ne pas savoir d’où ils viennent. Je suis habituée dans mon quotidien à regarder ce genre de choses mais pour le tissu… je pense toujours à “mais qui l’a produit??!)

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  6. Decidemment muscade est un modèle qui te va très bien. Je crois que celle.ci est encore plus jolie que l’autre.

    L’impact écologique et humain de la fabrication des tissus est malheureusement un problème bien compliqué a résoudre… les traitements subis par le coton (non bio) sont également dramatiques :/ quand je peux je choisis des tissus bois mais faut reconnaître que le prix me freine quand même. Et sans parler du prix, certains modèles demandent un tombé très souple, que choisir alors ?

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    1. C’est vrai que acheter du tissu “ressponsable” c’est compliqué. Pour les tissus plus souples j’utilise trsè souvent du voile de coton, mais bien sur rarement bio….. En fait on ne devrait porter que de la soie!!! 😉

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  7. Très jolie cette muscade et j’aime beaucoup le mariage des couleurs. Pour le cas de la viscose, j’avais effectivement étudié cette “arnaque” et ça m’avait rendue bien triste étant donné mon amour pour ce tissu. Comme tu dis, son tombé, sa douceur et cie sont tellement agréable que l’idée de s’en passer devient pénible mais je reconnais que je réfléchis maintenant à deux fois avant d’en acheter bien qu’il m’arrive encore de craquer… Au moins nous avons conscience de ce que l’on fait et c’est déjà bien car comme ton amie, j’entends encore beaucoup de personnes dirent “oh la viscose, c’est top et naturel”…
    Je vote également pour un étiquetage très complet des tissus, je suis certaine que l’idée pourrait germer chez certain commerçant pro consommation-responsable 🙂
    Et bien sûr encore un grand merci pour cet article tout en finesse et plein d’informations utiles 😉 !

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